Clinique Laurier


L’entrée de la clinique Laurier, avenue du Mont-Royal, avec les plaques de bronze controversées de chaque côté, 5 mai 1933. AVM VM94-Z153-1

La clinique Laurier, aussi connue sous le nom de « clinique Seigler », ouvre ses portes en mars 1933. Le comité exécutif de la Ville de Montréal avait décidé de sa construction dans le cadre des grands travaux publics pour lutter contre la crise économique. Son principal promoteur était Max Seigler, l’échevin du quartier Laurier depuis 1930.

Les plans originaux prévoyaient un bain public, mais Seigler, qui faisait de la santé publique l’une de ses principales causes, a obtenu que ce soit plutôt une clinique médicale et une bibliothèque pour enfants. La clinique comprend plusieurs salles affectées aux œuvres de la Division de l’hygiène et de l’enfance du service de santé publique de la Ville de Montréal : consultations pour nourrissons, clinique de vaccination, clinique dentaire et clinique psychologique.

La clinique Seigler se trouve à la fois à la frontière des parties sud et nord du quartier juif d’alors et à un carrefour – avenue du Mont-Royal à l’intersection de l’avenue Henri-Julien – où s’interpénètrent les rues ouvrières canadiennes-françaises et juives. Elle répond à de criants besoins, au moment où la Grande Crise atteint son paroxysme.

L’édifice a été conçu par l’architecte Harold Lea Fetherstonhaugh. Surmontant les portes latérales, des inscriptions gravées indiquent des entrées séparées pour les hommes et les femmes. Au-dessus de l’entrée principale et sous les armoiries de la Ville, un sympathique écureuil en bas-relief accueille le public.

L’édifice abrite aujourd’hui le siège social des Jeunesses musicales du Canada. À peu près au même emplacement se trouvait, au début du XVIIIe siècle, la tannerie des Bélair, qui a donné naissance au premier hameau du Plateau Mont-Royal.


Max Seigler, années 1930. AVM VM94-Z958

Max Seigler (1897-1971) a été pendant 30 ans conseiller municipal des districts Laurier et no 5, qui correspondent en partie à l’ouest de l’actuel Plateau-Mont-Royal. Il était le doyen du conseil à sa retraite en 1960.

La famille de Seigler émigre de Roumanie alors qu’il est âgé de 2 ans. À Montréal, il devient courtier d’assurances en 1923 et fonde sa propre compagnie, Max Seigler Co., située au 4521 avenue du Parc. Max Seigler est élu une première fois au conseil municipal en 1930, lorsqu’il bat l’ancien maire de Ville Saint-Louis, Napoléon Turcot.

Alors que la clinique ne devait porter initialement que le nom de son promoteur (le fait de nommer ainsi les édifices publics est alors pratique courante), elle en porte deux lors de son inauguration. Il y a bien, de chaque côté de l’entrée principale, deux plaques de bronze : « clinique Seigler » d’un côté, « Seigler Clinic » de l’autre. (Ces plaques ont depuis disparu.) Mais on a aussi gravé « clinique Laurier » sur le fronton de l’édifice. Cette double dénomination ne suffit pas à calmer la controverse : les milieux nationalistes canadiens-français mènent une virulente campagne antisémite contre l’utilisation d’un nom juif sur un édifice public montréalais aux élections municipales de 1934. À tel point que les plaques furent même dérobées pendant la nuit. Seigler est néanmoins réélu, notamment parce qu’il s’appuie sur une coalition multiethnique, contrairement à son adversaire.

Très actif au sein de la communauté juive montréalaise, il sera président de l’orphelinat Montefiore situé au 4652 rue Jeanne-Mance (l’édifice actuel de la garderie Villeneuve) et administrateur de plusieurs institutions, dont l’école United Talmud Torahs située au 269 boulevard Saint-Joseph Ouest.


Recherche et rédaction : Yves Desjardins.

Dictionnaire historique du Plateau Mont-RoyalExtrait du Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal (Écosociété, 2017) avec l’aimable autorisation de l’éditeur