On ne sait pas en quelle année l’auberge du Mile End a été construite, mais il se peut bien que ce fût pendant la première décennie du 19e siècle. Un carrefour a été complété à cet emplacement en 1800 par le redressement du chemin de Sainte-Catherine. En 1804, un boucher d’origine britannique, John Clark, achète une terre à cet endroit, du côté ouest du chemin Saint-Laurent. L’acte de vente1 ne fait alors aucune référence au toponyme Mile End. Mais en 1810, lorsqu’il signe un bail2 avec Phineas et Stanley Bagg, l’auberge existe déjà et elle est dite « Mile End Tavern ». John Clark nomme également « Mile End Farm » la terre adjacente. Immigré d’Angleterre à la fin du 18e siècle, il est probable que Clark s’est inspiré du Mile End londonien, un hameau situé à un mille des fortifications de la capitale britannique pendant l’époque médiévale. Son auberge se situait à un mille des limites de l’urbanisation montréalaise d’alors, soit aux environs de la rue Sherbrooke.
Au printemps suivant, Stanley Bagg signe les contrats pour l’aménagement de la première piste de courses de chevaux à Montréal. Il perd un cheval bai à l’auberge en 1815 et met une annonce dans la Gazette pour tenter de le retrouver. Même si Stanley Bagg transfère le bail à un autre aubergiste fin 1817, ce n’est pas la fin de son association au lieu, car en 1819 il épouse Mary Ann, la fille du propriétaire. Comme exécuteur testamentaire de John Clark, Stanley Bagg s’occupe dès 1827 de la location à une série d’aubergistes.
En 1856, Joseph-Octave Villeneuve, un futur maire de Montréal, débute sa carrière variée en devenant aubergiste à son tour. Il accueille les membres du Club de chasse à courre en 1859, une occasion immortalisée dans une photo. C’est la seule illustration connue de l’auberge – dans la photo, à droite, on en aperçoit une partie. Thomas Wiseman succède à Villeneuve en 1864 et y reste une trentaine d’années. Son fils Robert sera le dernier aubergiste.
Grand drame au printemps 1867: le 25 mars au soir, l’auberge prend feu. Les pompiers de Montréal viennent au secours de ceux du village mais ne peuvent rien faire, faute d’aqueduc hors des limites de la ville… Entièrement détruite à part les murs de pierre, l’auberge est reconstruite au goût du jour et rouverte en décembre.
La fin arrive au printemps 1902. En mars, la Ville de Saint-Louis exproprie, pour l’élargissement de la rue Saint-Laurent, une bande de terrain sur laquelle se trouve la majeure partie de l’auberge. Tout son contenu est vendu à l’encan le 29 avril 1902. Le 9 juin, la famille Bagg signe l’acte de vente de 2535 pieds carrés de terrain à la Ville, moyennant la coquette somme de 8593,75 $3. L’auberge et toutes ses dépendances sont démolies peu après, aux frais de la Ville. Le site trouvera une nouvelle vocation avec l’ouverture en 1906 du Mount Royal Departmental Store.
[Recherche et rédaction : Justin Bur et Yves Desjardins]