Édifice Bovril


Édifice Bovril, angle de l'avenue du Parc et de Van Horne, 1920-1921

Édifice Bovril, angle de l’avenue du Parc et de Van Horne, 1921 – Musée McCord MP-0000.2085.4

L’édifice Bovril est un vestige remarquable du passé industriel du nord du Mile End. Conçu par l’architecte James Cecil McDougall, il est construit en 1921–22 le long de la voie ferrée du Canadien Pacifique. Il abrite alors la production de l’extrait de viande de bœuf Bovril. En 1948, c’est une autre marque de commerce, non moins connue des Canadiens, qui s’installe dans le bâtiment. Le thé Red Rose y est empaqueté jusqu’en 1962. Par la suite, le bâtiment accueille plusieurs petits locataires, plus particulièrement des ateliers de confection de vêtements.

Aujourd’hui, l’édifice héberge une école primaire, une garderie et une bibliothèque servant la communauté hassidique Skver aux étages inférieurs et des ateliers d’artistes aux étages supérieurs. La vocation plurielle du bâtiment est représentative de deux dynamiques du nord-ouest du quartier : la vitalité des communautés hassidiques et la volonté des artistes de continuer à créer dans le Mile End malgré l’augmentation des valeurs foncières qui mécaniquement les en chasse.


En 1922, la Food Specialists of Canada Limited, qui fabrique le Bovril au Canada, quitte ses locaux de la rue Saint-Pierre et emménage dans un nouvel édifice conçu par l’architecte canadien James Cecil McDougall. On doit à cet architecte d’importants bâtiments institutionnels montréalais, dont le pavillon principal de l’Hôpital général juif et plusieurs pavillons de l’Hôpital général de Montréal. L’édifice, construit sur un lot situé le long de la voie du Canadien Pacifique et autrefois occupé par la minoterie McLaren’s Flour Mill, est relié directement à la voie ferrée par un quai de chargement.

Bien que la recette du Bovril ait été inventée en Écosse, la mythologie qui entoure le succès de l’extrait de viande de bœuf est fortement ancrée à Montréal. C’est, en effet, à Montréal, que l’inventeur de la substance qui aurait des vertus restauratrices et médicinales, l’écossais John Lawson Johnston, reçoit une commande pour nourrir les armées de l’empereur français Napoléon III engagées dans une guerre contre la Prusse. Johnston avait émigré à Montréal en 1871 et y avait installé son usine. Cette commande donne un élan formidable à l’entreprise de Johnston. Le Johnston Fluid Beef, c’est sous ce nom que l’on connaît alors le Bovril, réchauffe les Montréalais lors du Carnaval d’hiver pendant les années 1880. En 1884, après la destruction de son usine par un incendie, Johnston quitte le Canada et installe son siège social dans une nouvelle bâtisse à Londres où il développera l’empire Bovril.

Alors qu’en 1948, la Food Specialists of Canada déménage au 9500 boulevard Saint-Laurent, l’entreprise anglaise Brooke Bond acquiert l’édifice et y installe son usine d’empaquetage pour le thé Red Rose, marque de commerce canadienne emblématique créée en 1894 au Nouveau-Brunswick par Theodore Harding Estabrooks et que Brooke Bond a rachetée à son fondateur en 1932. En 1962, l’usine quitte à son tour l’avenue du Parc pour s’installer sur le chemin de la Côte-de-Liesse à Ville Mont-Royal. À partir de 1963, l’édifice Bovril – rebaptisé Park Avenue Building – accueille une multitude de petites entreprises, essentiellement des ateliers de confection de vêtements.

Dans les années 1990, le secteur de la confection textile périclite et l’édifice se vide de ses activités industrielles. Des artistes profitent alors des bas loyers pour y installer leurs ateliers. En 2011, la Fondation Toldos Yakov Yosef Inc. achète l’édifice en vue d’y installer une école primaire, une garderie et une bibliothèque pour servir la communauté juive hassidique Skver. Les Skver, qui vivent à Outremont et dans le Mile End, sont un des huit groupes hassidiques installés à Montréal. Cette acquisition se fait dans un contexte de fragilisation des ateliers d’artistes dans le quartier Mile End. En effet, l’augmentation des valeurs foncières entraine une hausse des loyers, loyers que ne peuvent plus s’offrir les artistes. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, qui a développé depuis 2012 une politique de pérennisation des ateliers d’artistes dans le quartier, utilise la demande de dérogation au zonage industriel et commercial du bâtiment par le nouveau propriétaire comme levier pour obtenir de la Fondation Toldos Yakov Yosef la négociation de baux protégés pour les artistes. En 2013, une entente est signée entre l’organisme à but non lucratif Ateliers Créatifs Montréal, auquel est confiée la gestion des ateliers d’artistes aux étages supérieurs (3, 4 et 5), et la Fondation. Elle accorde aux Ateliers Créatifs de Montréal un loyer abordable dans le cadre d’un bail de 30 ans avec deux options de renouvellement de 10 ans chacune et prévoit le verdissement de l’édifice – des arbres seront plantés le long de la façade et un toit vert sera créé. En 2015, la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec investissent 465 000 dollars dans la rénovation de l’édifice. Aujourd’hui, une trentaine d’artistes œuvrent au coin nord-est de Parc et Van Horne.


Voir aussi

Stuart Company
United Dairy

 

[Recherche et rédaction : Christine Richard]