En novembre 2013, Patsy Van Roost a créé, avec l’appui de l’arrondissement, ICI un souvenir, un projet participatif destiné à recueillir la mémoire de personnes ou d’événements associés à différents endroits du Plateau Mont-Royal. 437 fiches jaunes ont ainsi été remplies. Patsy les a ensuite installées aux endroits correspondants aux souvenirs évoqués. À partir du 11 novembre, jour du souvenir, on a pu se promener dans les différents quartiers du Plateau pour y découvrir les souvenirs qui en font la petite histoire.
Vous pouvez retrouver une version numérisée de chacune des fiches en cliquant ici. Et cette page pour voir les souvenirs lorsqu’ils occupaient l’espace public.
ICI un souvenir a fait l’objet d’une couverture médiatique abondante :
Isabelle Paré dans Le Devoir :
«Une idée folle, une artiste altruiste à la créativité féconde. Il n’en fallait pas plus pour voir naître Ici, un souvenir, projet d’animation publique qui fera éclore aujourd’hui 436 souvenirs accrochés aux façades, bâtiments et adresses d’autant de lieux du Plateau Mont-Royal. (…)
Mais l’histoire se lit aussi au détour d’adresses anodines. Rue Drolet : « Ici, mes trois fils ont grandi et moi avec eux, sans qu’ils le sachent. 14 ans de vie à les aimer, et à apprendre le rôle de parent. Ils m’ont peu à peu renié, depuis le jour où j’ai osé ce dont je rêvais depuis l’enfance, changer de sexe. Je ne suis plus pour eux qu’une égoïste qui les aurait oubliés. J’espère qu’il leur reste au moins le souvenir de cette maison, et de combien leur papa-femme les aimait et les aime encore. »
Des mots à arracher le coeur, mais aussi des mots d’espoir, d’amour et d’enracinement. « À Montréal, c’est plein d’immigrants, ça se lève de bonne heure ce monde-là », clame la prose de Gérald Godin, sur la murale Tango de Montréal, place Gérald-Godin. Arrivée du sud de la France, Sarah a trouvé ici même le courage de repartir à zéro. « Ce message m’a accueillie comme un hôte chaleureux […] j’en ai pleuré. À ce moment, j’ai senti que j’étais partie de chez moi pour une terre inconnue. Depuis, dès que quelqu’un arrive de loin pour s’installer à Montréal, je l’amène ici. »
Angle Gilford et De Lorimier, c’est une scène à la Michel Tremblay qui sort de l’oubli. Celle de soeur Lise, qui traversait la rue, cornette au vent, pour jouer au ballon chasseur avec les filles de 6e année, attachant « son habit avec un gros noeud pour pouvoir courir », rappelle Colette.»
Émilie Folie-Boivin dans le magazine l’Actualité :
«L’effort de mémoire rappelle l’activité artistique Ici un souvenir, qu’a orchestrée l’artiste montréalaise Patsy Van Roost sur le Plateau-Mont-Royal, en novembre dernier. Plus de 400 résidants ont participé à ce que je décrirais comme une version « vieille école » et hyperlocale de Findery, en inscrivant sur un carton comment tel lieu les a marqués.
Affichées devant l’endroit même où elles se sont déroulées, ces histoires personnelles ont habité pendant quelques jours l’espace public — en plus de retarder les livraisons du facteur, absorbé dans leur lecture.
L’artiste voulait dévoiler l’histoire privée des lieux que nous croisons chaque jour, et ça marche. Désormais, les souvenirs qui y sont liés sont devenus ceux des passants, et aussi les miens. Maintenant, Drawn & Quarterly est plus qu’une simple librairie de la rue Bernard : c’est là qu’un père a initié son fils aux arts. La place publique de la station de métro Mont-Royal n’est plus seulement un point de rendez-vous : c’est aussi l’endroit où la prose de Gérald Godin a accueilli « comme un hôte chaleureux » Sarah, une immigrante française.
Un nombre incalculable de moments nous échappent, mais en regardant par la fenêtre, on peut en attraper quelques-uns. En ouvrant la porte, on peut même aller à leur rencontre.»
Pierre Foglia dans La Presse :
«Ici un souvenir était le projet d’une artiste du Plateau (Mme Van Roost) qui a eu la belle idée, pour le jour du Souvenir, en novembre dernier, de faire raconter sur des affichettes jaunes des souvenirs liés à des lieux et affichés sur ces lieux mêmes.
Vous avez peut-être lu de ces courtes histoires en jaune avec un gros «ICI» en bleu, clouées à un arbre, fixées aux barreaux d’un balcon, à la grille d’une garderie, dans la fenêtre d’une maison, dans la vitrine d’une boutique…
Ici je suis allé à l’école pour la première fois.
Ici adossée à cet arbre j’ai embrassé mon chum en lui annonçant que j’étais enceinte…
L’affichette dont je veux parler maintenant était agrafée à un poteau de téléphone, rue Drolet, près du domicile de ma collègue de La Presse Marie Tison.
En haut de l’affichette, le numéro civique (que nous tairons). Dessous, le texte qui suit: «Ici mes trois fils ont grandi et moi avec eux, sans qu’ils le sachent, 14 ans de vie à les aimer et à apprendre le rôle de parent.
Ils m’ont peu à peu reniée depuis le jour où j’ai osé ce dont je rêvais depuis l’enfance, changer de sexe. Je ne suis plus pour eux qu’une égoïste qui les aurait oubliés.
J’espère qu’il leur reste au moins le souvenir de cette maison, et de combien leur papa-femme les aimait et les aime encore.»
Un matin, ma collègue a trouvé l’affichette déchirée au pied du poteau.
Alors voilà, je voudrais retrouver le monsieur, enfin, la dame qui a écrit ça. Ça ne presse pas. C’est pour ma chronique de la fête des Mères.»