Les origines du Mile End


Notes pour une histoire du Mile End (extraits)

Par Christopher Schoofs, mai 1993, traduction de Danièle Monfette1
Lire notre introduction à cette série de documents sur les origines du Mile End.

Le quartier Mile End, à Montréal, a toujours été une zone frontière, un quartier limitrophe, un entre-deux, un lieu de passage. Du point de vue historique, à divers égards, il s’agit d’un quartier oublié. À l’heure actuelle, il n’a pas de véritable centre. Ses résidents sont incapables d’en définir les frontières ou même de s’entendre sur le nom à lui donner. Certains considèrent que le boulevard Saint-Laurent constitue sa limite est, d’autres qu’il passe en son centre. Pour beaucoup d’Italo-Canadiens d’un certain âge, qui l’appellent parfois le «Milen», il s’agit du quartier qui s’étend entre la voie ferrée du CP, au sud, jusqu’à la rue Jean-Talon, au nord. Lorsque les catholiques francophones du quartier parlent de «La Molenne», ils pensent aux alentours de l’église Saint-Enfant-Jésus-du-Mile-End, qui fait face au parc Lahaye, sur le boulevard Saint-Laurent. Pour les Montréalais d’origine juive, le nom de Mile End, s’ils le connaissent, évoque Mordecai Richler, Duddy Kravitz et la rue Saint-Urbain. Les Canadiens d’origine grecque, là encore s’ils connaissent le nom, l’associent à l’avenue du Parc. Le Mile End est en fait aujourd’hui un quartier extrêmement hétérogène, où se côtoient francophones, anglophones et immigrants des quatre coins de la terre, gens prospères et chômeurs, étudiants, artistes et travailleurs de toutes sortes.

(…) À la fin des années 70, le nom de «Mile End» était presque oublié et bien des Montréalais croyaient qu’il ne s’agissait que d’un secteur du Plateau Mont-Royal, le quartier populaire situé plus à l’est. Cette méprise rappelle curieusement les origines du Mile End, puisque les deux quartiers étaient autrefois englobés dans le village de Côte-Saint-Louis. Dans les années quatre-vingt, cependant, on recommence à entendre parler du «Mile End», de plus en plus de résidents du quartier utilisant ce nom pour le distinguer du Plateau Mont-Royal, à l’est, et de la municipalité cossue d’Outremont, à l’ouest. (…) [L’avenue du Mont-Royal] est située à juste un peu plus d’un mille au nord du dernier bâtiment considéré comme faisant partie de la ville sur la carte de 1824. C’est quelque part entre 1805 et 1831 que le secteur traversé par l’avenue du Mont-Royal commença à être désigné sous le nom de «Mile End». Il n’est pas étonnant que les marchands et les soldats britanniques se soient mis à employer ce nom, et cela pour trois raisons. D’abord, une distance d’un mille séparait l’extrémité de la clairière des limites de la ville. Ensuite, le terme «Mile End» est couramment utilisé en Angleterre depuis le Moyen Age pour désigner un secteur situé à un mille d’un point de repère quelconque. Enfin, un quartier de Londres porte le nom de Mile End.

Lovell [dans son rapport historique de 1891] signale également que la clairière qui s’étendait entre le chemin Saint-Laurent et le pied du mont Royal  servait de pâturage et qu’on y retrouvait un hippodrome, le premier au Canada. Une aquarelle de 1821, œuvre de John Woolford, officier britannique en poste à Montréal, représente «Montréal vu depuis la montagne, sur le champ de courses».

John Elliot Woolford, Montreal from the mountain, on the race course, v. 1819-1821
Musée des beaux-arts du Canada (23416)

Notes:
1. Société Mile-End pour l’histoire et la culture, document ronéotypé, 34 p.