En 1890, le village de Saint-Louis-du-Mile-End compte environ 3 500 habitants. Majoritairement Canadiens-français, ils sont regroupés du côté est de la rue Saint-Laurent, entre l’avenue Mont-Royal et la rue Saint-Louis, l’actuelle avenue Laurier. La plupart d’entre eux sont des artisans et des ouvriers : ils travaillent dans les commerces de la rue Saint-Laurent ou encore dans les nombreuses carrières de pierre des environs.
Le Mile End situé du côté ouest de la rue Saint-Laurent est encore rural. Deux grands propriétaires terriens se partagent presque tout le territoire : la succession Nowlan et la famille Bagg. Ces propriétaires louent leurs terres à des fermiers qui les utilisent depuis plusieurs générations, surtout comme pâturages pour leurs chevaux et vaches. La partie sud de ce territoire – de l’avenue Mont-Royal à l’actuel boulevard Saint-Joseph – accueille, depuis les années 1870, une exposition agricole et industrielle. Un petit rectangle voisin, jusqu’à l’actuelle avenue Fairmount, appartient encore aux Religieuses hospitalières de Saint-Joseph.
Ce paysage va cependant être complètement transformé en à peine une décennie. Car une importante innovation est sur le point d’atteindre Montréal : le tramway électrique. D’ambitieux promoteurs vont faire la promotion de nouvelles banlieues « vertes », où, grâce à ce moyen de transport, l’on échappe aux inconvénients de la ville tout en étant à quelques minutes seulement de son lieu de travail. Dans le cas de l’ouest du Mile End, ces promoteurs viennent de Toronto : ils veulent reproduire à Montréal le succès de la Janes Annex – encore aujourd’hui un quartier chic de la métropole ontarienne. C’est la raison pour laquelle ils nomment leur projet « Montreal Annex. »
Des promoteurs venus de Toronto
Le 2 décembre 1890, le quotidien La Presse publie un article intitulé « Perte de Toronto – gain de Montréal » : il annonce le déménagement à Montréal de Rienzi Athel Mainwaring, un agent d’immeuble torontois. Le journal écrit : « La phrase suivante : ‟Mainwaring a du nerf” est devenue proverbiale parmi les spéculateurs d’immeubles. [On] souhaite que M. Mainwaring obtienne autant de succès à Montréal qu’il a obtenu à Toronto, d’où son départ est généralement regretté[1]. »
Quelques mois auparavant, le 26 mai 1890, Mainwaring et son associé torontois, Clarence J. McCuaig, avaient acheté la ferme de la succession Nowlan[2]. Compris entre les actuelles rues Durocher (à Outremont), Esplanade, Fairmount et Saint-Zotique, ce vaste terrain était à vendre depuis quelques années. Les Clercs de Saint-Viateur, qui gèrent l’Institution des sourds-muets au Mile End depuis 1850, ont fait une offre d’achat, mais la transaction a échoué car la communauté religieuse estime que le prix demandé est trop élevé. Les Clercs se rabattent plutôt sur les fermes Pratt, McDougall et Wiseman, adjacentes du côté d’Outremont, qu’ils achètent entre 1885 et 1887 pour la somme globale de 48 000 $[3]. La communauté religieuse y installe sa ferme école et anticipe qu’à plus long terme ces terres prendront de la valeur lors de leur lotissement. La succession Nowlan peut se réjouir d’avoir refusé l’offre des Clercs de Saint-Viateur, puisque McCuaig et Mainwaring, eux, payent une somme beaucoup plus élevée, soit 130 000 $[4].
S’ils sont prêts à débourser un tel prix, c’est parce que les deux agents d’immeuble ont de grandes ambitions. En 1890, Toronto est aux prises avec une fièvre spéculative qui atteint son paroxysme. Les deux agents cherchent donc à ouvrir une nouvelle frontière aux spéculateurs. La revue commerciale montréalaise Le Prix courant souligne que l’arrivée d’investisseurs torontois à Montréal n’est pas étrangère au fait que la bulle immobilière dans la capitale ontarienne est sur le point de crever. La revue soutient toutefois qu’un tel péril ne guette pas encore Montréal :
D’après un confrère, la propriété immobilière est dans un état de crise à Toronto. […] C’est probablement pour cela que les capitalistes de Toronto viennent acheter des terrains aux environs de Montréal, à Blue Bonnets, à Mile End, etc. […] S’il y a crise à Toronto, ce n’est pas le cas à Mtl, parce qu’ici point de spéculation. Nous remarquons une vente de lots à bâtir à Mile End sur la ferme Nowlan […]. Cette localité paraît destinée à un brillant avenir par la classe de bâtisses que l’on y construit. C’est d’ailleurs la continuation de la rue Bleury et du quartier fashionable qui s’étend, en ville, depuis la rue St Laurent, à l’Est, jusqu’aux limites Ouest de la ville[5].
La toute première publicité de McCuaig & Mainwaring qui offre des lots à vendre sur un site nommé « Montreal Annex » est d’ailleurs publiée par un quotidien torontois dès le mois d’août 1890[6]. La première publicité montréalaise recensée est publiée par The Gazette, le 16 octobre suivant. Ces annonces mettent en relief deux caractéristiques du secteur :
- Le chemin de fer d’abord : « La voie ferrée du Canadien Pacifique traverse le nord de la propriété et la gare du Mile End se trouve à seulement 300 verges. La nouvelle cour du triage du CPR est adjacente du côté nord-ouest, ce qui fait du nord de la propriété un endroit idéal pour les usines ».
- L’emplacement ensuite : « La propriété est adjacente aux terrains de l’Exposition. Son site est similaire au Janes Annex de Toronto. Les immeubles résidentiels montréalais sont surpeuplés à un tel point que ça ne peut qu’entrainer un développement rapide des banlieues[7] ».
Une autre publicité, publiée le 6 décembre 1890, donne la mesure de leur ambition : « nous allons construire une ville dans le nord qui aura une population de 10 à 20 000 personnes d’ici 5 ans[8]. »
La famille Perrault–Nowlan et le Mile End
Le 29 mars 1890, avant même que la transaction ne soit conclue, Mainwaring envoie une pétition au conseil municipal de Saint-Louis-du-Mile-End. Appuyé notamment par les Sœurs de l’Hôtel-Dieu, et se présentant comme le « propriétaire de la ferme Nowlan », il demande au village de changer le nom de l’avenue Nowlan « en avenue du Parc ou Park avenue[9]. » Quelques mois auparavant en effet, le 22 novembre 1889, Henri-Maurice Perrault, Maurice Cuvillier et Joseph A. Gravel, à titre « d’administrateurs et d’exécuteurs testamentaires de la Succession Nowlan », avaient demandé au même conseil de donner ce nom à la nouvelle avenue. Ils soulignent avoir donné gratuitement au village les terrains nécessaires pour la prolongation vers l’ouest de la rue Saint-Louis (Laurier) et pour la prolongation de la rue Bleury (Parc) vers le nord. En retour, les héritiers demandent que : « la rue continuation de l’avenue du Parc, à commencer à l’avenue Mont-Royal et allant vers le nord, porte à l’avenir le nom de l’avenue Nowlan. Ce sera à leurs yeux le meilleur moyen de perpétuer le souvenir d’une personne qui passa un demi-siècle au milieu de votre population[10]. » Le conseil municipal accepte le changement de nom demandé par Mainwaring, contribuant ainsi à faire sombrer dans l’oubli le rôle joué par la famille Perrault-Nowlan dans l’histoire du Mile End.
On retrouve sa trace dès 1781, lorsque Joseph Perrault est identifié comme propriétaire d’une maison, de cinq arpents de vergers et de 15 arpents qualifiés de « désert » (c’est-à-dire inutilisés), dans une grande terre du coteau Saint-Louis qui chevauche l’extrémité est de l’actuel Outremont et l’ouest du Mile End[11]. Agriculteur et marchand de bois, Joseph Perrault épouse Marie-Anne Tavernier. Le couple a dix enfants, dont quatre atteignent l’âge adulte : l’aîné, Julien est l’ancêtre d’une dynastie d’architectes – Henri-Maurice, Joseph, Maurice et Jean-Julien ; Marie-Claire épousera Austin Cuvillier, un important marchand montréalais ; Joseph fils deviendra député ; et, finalement, Agathe. Elle épousera un lieutenant d’origine catholique irlandaise, Maurice Nowlan. Il est tué, après seulement deux années de mariage, pendant la guerre de 1812. Dorénavant connue sous le nom de « veuve Maurice Nowlan », Agathe ne se remariera jamais.
Le couple élève aussi, comme une fille adoptive, leur nièce Émilie Tavernier. Sa mère est morte lorsqu’elle n’avait que quatre ans. Émilie se lie d’amitié avec sa cousine Agathe. Leur relation, qui durera toute une vie, contribuera à la création des refuges des sœurs de la Providence, l’ordre fondé par Émilie[12]. Car la veuve Nowlan est devenue une importante mécène. Elle a hérité d’une fortune considérable de ses parents et, probablement, de son frère Joseph, resté célibataire. En 1868, elle a notamment fait un don qui permet aux sœurs de construire leur couvent, juste à côté de l’église Saint-Enfant-Jésus. Agathe Nowlan, qui n’a pas eu d’enfant, décède en 1871. Son neveu, Maurice Cuvillier, et son filleul, Henri-Maurice Perrault, fils de son frère Julien, deviennent alors ses exécuteurs testamentaires et ses héritiers[13]. Henri-Maurice Perrault est architecte et arpenteur. Dès 1873, il dresse un plan qui anticipe le lotissement de la ferme familiale[14]. Son fils, Joseph, et son petit-fils, Jean-Julien, également architectes, joueront un rôle important dans l’urbanisation du Mile End et d’Outremont.
Montreal Annex et un quartier huppé de Toronto, la Janes Annex
McCuaig & Mainwaring jouent initialement sur deux tableaux pour vendre leurs lots : une nouvelle ville ouvrière et une banlieue chic. Leurs publicités expliquent que les installations du Canadien Pacifique ne manqueront pas d’attirer de nombreuses usines dans la partie nord de leur propriété et donneront naissance à une nouvelle ville au-delà de la montagne : « Une cour de triage de cet ampleur va employer 800 hommes et, comme la plupart d’entre eux ont des familles, [ça créera] une ville d’environ 5 000 habitants. » Et c’est sans compter, ajoute l’annonce, les employés des abattoirs et des usines qui s’installeront aux alentours de la cour de triage [15].
Cependant, les mêmes publicités vantent aussi l’air pur et la tranquillité du plateau qui domine la ville, et la proximité du mont Royal. Tout cela fait de Montreal Annex « la propriété résidentielle haut de gamme (high class) vacante la plus proche de la ville ». En cela, explique l’une des annonces, elle ressemble à la cossue Janes Annex torontoise, à la différence que les lots se vendent moins cher à Montréal. McCuaig & Mainwaring publient même, en février 1891, leur propre magazine, le Real Estate Record. Une annonce sur deux pages rend encore plus explicite le parallèle entre la Janes Annex et Montreal Annex : « nous offrons aux investisseurs, tant à Toronto qu’à Montréal, une magnifique subdivision que nous avons nommée Montreal Annex, un titre plus qu’approprié, à cause de la grande similitude entre son emplacement et celui de la Janes Annex de Toronto[16] ».
La Janes Annex a été développée par Simeon Herman Janes, l’un des plus prospères promoteurs immobiliers ontariens de la fin du XIXe siècle. En 1886, il achète et lotit des terres agricoles, situées juste au-delà de la frontière nord de Toronto. Le succès est immédiat et en fait une banlieue très recherchée[17]. Avec ses rues bordées d’arbres et ses résidences de style Queen Anne, le quartier attire des familles fortunées, comme celle de Timothy Eaton, fondateur de la chaîne de magasins du même nom. Après une période de déclin, dans la première moitié du XXe siècle, c’est encore aujourd’hui l’un des quartiers les plus huppés de Toronto (et il est toujours connu sous le nom « The Annex »). La similitude revendiquée entre les deux projets est telle que le premier plan de lotissement de l’Annexe montréalaise reprend plusieurs des noms de rues du quartier torontois : Spadina, Madison, Admiral et Bernard, qui correspondent respectivement aux actuelles rues Durocher, Hutchison, Jeanne-Mance et Bernard.
La campagne publicitaire de McCuaig & Mainwaring prend de l’envergure dès le début de 1891. La volonté de faire de Montreal Annex une banlieue exclusive en est le leitmotiv : « la propriété est située sur un terrain surélevé, libre de l’air humide et malsain des lots situés à proximité du fleuve. […] Des restrictions sévères seront imposées pour la construction ; seuls les édifices en brique et en pierre seront autorisés[18]. » Une autre publicité affirme que la future avenue du Parc est « destinée à devenir le plus grandiose boulevard de Montréal ». De plus, la vue magnifique et la proximité du mont Royal « en feront la propriété résidentielle la plus recherchée sur l’île. Un soin particulier a été accordé à la classe des maisons qui y seront construites […], assurant ainsi la construction de résidences de haut niveau[19]. » Un slogan coiffe plusieurs de ces annonces : « No Tenements! ». Le « tenement », c’est l’immeuble à appartements honni des quartiers immigrants les plus pauvres des grandes villes nord-américaines. Dans le contexte montréalais, il est synonyme des duplex et triplex en rangée.
La bataille du tramway
Or, pour que ce projet devienne réalité, il manque encore un ingrédient crucial : un moyen de transport efficace et rapide entre la nouvelle banlieue et le centre-ville. L’une des publicités de 1891 affirme qu’un service d’omnibus sera établi « de la rue Craig [Saint-Antoine], passant par l’avenue Park, jusqu’à l’Annexe de Montréal, de bonheur [sic] ce printemps[20] ». Elle présente aussi l’annexion du nouveau quartier à Montréal comme un fait accompli. Ce qui rééditerait le scénario de la Janes Annex, annexée par Toronto dès 1887, soit environ un an à peine après le début de son lotissement. Mais Saint-Louis-du-Mile-End demeurera une municipalité distincte pour encore près de 20 ans. Une telle situation viendra singulièrement compliquer la création d’un service de transport en commun, ainsi que celle de toutes les infrastructures nécessaires à l’urbanisation d’un territoire rural…
Les ventes de lots décollent quand même au cours du printemps 1891. Elles sont cependant de nature essentiellement spéculative, car les acheteurs, en grande majorité des Torontois, achètent des blocs de lots, parfois considérables, d’un seul coup. Les premiers acheteurs de Montreal Annex misent sur la hausse rapide de la valeur des terrains pour faire des profits substantiels, grâce à une revente à court terme. La plupart du temps, rien ne se construit sur les lots vendus. McCuaig & Mainwaring ne se contentent toutefois pas de miser sur les spéculateurs torontois. Ils veulent aussi attirer un public montréalais à la recherche d’une résidence en banlieue. C’est la raison pour laquelle leur campagne publicitaire devient, au printemps 1891, un véritable manifeste en faveur du tramway électrique :
La Compagnie des chars urbains n’offre pas un service adéquat pour les besoins de Montréal […]. Les citoyens de Montréal ne vivent pas entassés les uns sur les autres par choix ; ils expriment une préférence claire pour les banlieues où ils peuvent profiter d’un air salubre et d’espace pour eux et leurs enfants. Mais les circonstances les forcent à vivre ainsi, et la principale cause est un service de transport inadéquat. LA DEMANDE IMPÉRATIVE de l’heure est pour un service de transport rapide et une solution doit et va être trouvée. De fait, nous travaillons au développement d’un projet complet de TRANSPORT RAPIDE PAR CHEMIN DE FER ÉLECTRIQUE[21].
Mainwaring se lance ainsi à pieds joints dans l’une des grandes batailles de l’histoire montréalaise, en cette fin de XIXe siècle. La banlieue proposée par McCuaig & Mainwaring vise une clientèle fortunée, à la recherche d’une résidence éloignée du lieu de travail tout en étant facilement accessible, ce qui la différencie du Mile End ouvrier situé à l’est de la rue Saint-Laurent. Mais, en 1891, la Montreal Street Railway (MSR) – aussi connue en français sous le nom de Compagnie des chars urbains – est opposée au tramway électrique. Elle considère que l’électricité est une technologie nouvelle qui n’a pas fait ses preuves et dont les coûts sont excessifs. Mainwaring devient donc également promoteur de tramways : si la MSR ne le fait pas, il construira sa propre ligne de tramways électriques sur l’avenue du Parc, depuis la rue Craig jusqu’aux limites de l’Annexe.
Le 13 avril 1891, une semaine après leurs publicités dénonçant la MSR, McCuaig & Mainwaring incorporent la Consolidated Land and Investment Company[22]. Dotée d’un capital-actions initial de 199 000 $, le siège social et les actionnaires sont torontois, mais l’enjeu est montréalais. La compagnie est formée afin de rassembler des capitaux « pour la construction et l’entretien d’une ligne de tramways, ainsi que l’aménagement des routes nécessaires ». Le problème des transports en commun et le surpeuplement allégué des quartiers centraux montréalais passionnent alors l’opinion publique. Le Canadian Journal of Commerce attribue cette surpopulation à l’absence du tramway électrique car, sauf pour les plus riches, les habitants de la ville doivent s’entasser dans des logements insalubres situés à proximité du lieu de travail. Le « Tenement », poursuit le journal, en est l’archétype le plus malsain et le plus disgracieux. Tout cela alors que la valeur d’immenses terrains à bâtir, situés au nord du centre-ville, reste fortement sous-évaluée. L’éditorialiste n’hésite d’ailleurs pas à en faire la promotion :
Montreal Annex est une magnifique propriété située des deux côtés de la récente prolongation de l’avenue du Parc. Des lots peuvent [y] être achetés à des prix 400 % moins élevés que ceux des lots de l’avenue Greene, à Côte-Saint-Antoine [la future Westmount], une localité pourtant située à la même distance du bureau de poste central[23].
Le journal conclut qu’avec l’avènement d’un nouveau mode de transport en commun moderne, rapide et qui ne dépendra plus de la traction animale – inadéquate sur les côtes montréalaises – une telle anomalie ne saurait durer. On ne peut mieux exprimer jusqu’à quel point, pour ses promoteurs et ses investisseurs, l’avenir de l’Annexe, dépend du tramway électrique ! L’opposition de la MSR au tramway électrique ne faiblit pas pour autant. L’un des principaux arguments du président de la compagnie, Jesse Joseph, est la rigueur des hivers montréalais. Selon lui, seuls des tramways hippomobiles sur traîneaux peuvent circuler dans les rues en cette saison[24].
Mainwaring est cependant loin d’être le seul promoteur à se bousculer aux portes du Comité des chemins du Conseil municipal, puisque le contrat qui lie la MSR à la Ville de Montréal vient à échéance en 1892. Or, le président de ce comité n’est nul autre que Raymond Préfontaine, le « parrain » de la politique municipale pendant toute cette période. Il est étroitement associé à Louis-Joseph Forget, le plus important capitaliste canadien-français d’alors, qui amassera une immense fortune grâce aux importants travaux d’infrastructure entrepris dans un Montréal en pleine croissance. Forget est non seulement membre du conseil d’administration de la MSR, mais aussi un des principaux actionnaires de la Royal Electric Company. Cette dernière bénéficiera évidemment de l’électrification du réseau de transport, si elle en obtient le contrat. Pendant que des promoteurs rivaux multiplient les propositions de nouveaux réseaux de tramways électriques devant le conseil municipal, Forget, lui, organise un putsch contre Jesse Joseph au conseil d’administration de la MSR. Il obtient sa tête au printemps 1892 et devient lui-même président. La MSR ne s’oppose plus dorénavant à l’électrification de son réseau. Au même moment – grâce à son ami Préfontaine –, le conseil municipal de Montréal accorde un nouveau contrat de 30 ans à la compagnie, en échange de l’électrification du réseau, et rejette les offres des autres promoteurs[25].
Pour Mainwaring, rien n’est cependant réglé. Car la MSR a peu d’intérêt pour étendre son réseau vers des banlieues clairsemées ; elle préfère attendre que l’urbanisation soit un fait accompli. La MSR ouvre sa première ligne électrique en 1892, rue Bleury et avenue du Parc, mais le terminus se trouve à l’avenue Mont-Royal. Les promoteurs des nouvelles banlieues et des tramways électriques, souvent les mêmes, courtisent alors les conseils municipaux des municipalités qui entourent Montréal.
La famille Beaubien, grands propriétaires fonciers au Mile End et à Outremont, a justement fondé la Montreal Park and Island Railway (MP&IR). Son but est de relier les banlieues au centre-ville. Une épreuve de force s’engage avec la MSR qui tente d’abord de lui en bloquer l’accès. Le conflit dure plusieurs mois et entraine une surenchère de promesses : il se conclut le 13 juillet 1893, lorsque les deux compagnies s’entendent pour se partager le territoire de l’île de Montréal. La MSR contrôle la ville de Montréal, Saint-Henri, Sainte-Cunégonde et Côte Saint-Antoine [Westmount], tandis que la MP&IR obtient le Mile End, Outremont, Côte-Saint-Louis, Côte Visitation et les municipalités du nord de l’île. La MP&IR, qui a promis d’ouvrir une ligne sur l’avenue du Parc, de l’avenue Mont-Royal jusqu’à la voie ferrée du CP, obtient aussi le droit d’utiliser le réseau de la MSR pour accéder au centre-ville[26]. Mainwaring peut se remettre à espérer, mais d’autres obstacles se dressent sur son chemin.
Une villa au milieu des champs
Entretemps, Montreal Annex a poursuivi son expansion. Le 16 novembre 1891, McCuaig & Mainwaring s’associent à un nouveau groupe d’investisseurs pour créer une autre compagnie, avec une charte provinciale cette fois : la Montreal Freehold Company[27]. Il s’agit de financer une opération de taille : l’achat de 156 arpents des fermes « Mile-End » et « Black Gate », adjacentes à la propriété Nowlan et appartenant à la famille Bagg[28]. Avec cette acquisition, l’Annexe s’étend maintenant de la rue Durocher, à Outremont, jusqu’aux abords de la rue Saint-Laurent.
À la fin de 1891, McCuaig & Mainwaring ont engagé des capitaux considérables dans l’aventure montréalaise, soit – seulement pour l’achat de terrains – 359 487 $, selon les transactions recensées dans Le Prix courant. Et c’est sans compter les frais de l’imposante campagne publicitaire et ceux du projet de tramway. Au cours de la même année, les deux entrepreneurs ont vendu pour 202 878 $ de lots dans la portion Nowlan de l’Annexe. Mais il s’agit d’achats spéculatifs, car, début 1892, à peu près tous les lots vendus sont toujours vacants.
En 1892, Mainwaring franchit un autre pas pour rendre plus concrète sa vision d’une banlieue résidentielle de prestige à proximité du mont Royal. Il entreprend la construction de sa propre villa, une « maison modèle » en quelque sorte, sur la nouvelle avenue du Parc. Elle est située au nord-est de l’actuelle avenue Fairmount, au milieu des champs, dans un secteur encore complètement désert. Il en confie la conception à la firme d’architectes torontoise Knox & Elliott. Le Montreal Daily Herald décrit une résidence somptueuse, construite au coût de 30 000 $ – une somme considérable alors –, équipée d’une plomberie novatrice, et dont l’intérieur est recouvert de riches boiseries. L’article ajoute que le contremaître qui supervise les travaux sera heureux de faire visiter la maison à toute personne intéressée[29].
Le même journal souligne que les promoteurs de Montreal Annex ont tout mis en œuvre pour en faire la meilleure banlieue de Montréal : seules des résidences « de première classe » pourront être construits au sud de l’avenue Van Horne et à l’ouest de la rue Saint-Laurent. L’article conclut que, grâce aux efforts acharnés de Mainwaring, la ligne de tramway tant attendue devrait finalement être prolongée, depuis l’avenue Mont-Royal jusqu’à la voie ferrée du CP, au cours de l’été 1893, ce qui augmentera considérablement la valeur des propriétés adjacentes[30].
Nouveaux revers
La construction des premières résidences, avenue du Parc, révèle cependant un autre problème. Les infrastructures nécessaires à l’urbanisation, aqueduc, égouts, éclairage et trottoirs, se font attendre. L’annexion à Montréal – pourtant présentée comme « imminente » deux ans auparavant – n’est toujours pas au rendez-vous. Mainwaring doit composer avec le conseil municipal d’un village dont le cœur se situe plus à l’est et qui a d’autres priorités. L’absence d’égouts, sur une avenue promise comme « la plus prestigieuse de Montréal », devient une importante pomme de discorde. Le 16 mars 1893, Mainwaring envoie une lettre personnelle aux conseillers municipaux. Il réclame une réunion extraordinaire du conseil, car le sous-sol de sa villa est inondé : « 14 pouces d’eau croupissent dans la cave, ce qui m’a obligé à employer des hommes nuit et jour pour la pomper à l’extérieur afin d’en diminuer le niveau, de crainte qu’elle ne détruise les fondations. » Il attribue ce désastre à l’absence d’égouts, et ajoute qu’il n’entreprendra pas la construction de nouvelles maisons tant que le conseil n’aura pas réglé le problème. Et puisque la municipalité invoque le manque de fonds, Mainwaring offre de financer lui-même les travaux[31].
Lorsque ceux-ci vont finalement de l’avant, à l’automne 1893, l’égout s’arrête à la hauteur de la villa de Mainwaring, ce qui laisse en plan environ 90 % de la superficie de Montreal Annex ! Ce dernier revient à la charge avec une nouvelle lettre au conseil : il y souligne qu’un autre promoteur, l’agent d’immeubles Georges Marcil, propriétaire de maisons construites près de la rue Saint-Viateur ne peut trouver de locataires, « parce que les caves sont inondées chaque fois qu’il pleut », et que plusieurs personnes qui ont acheté des lots, « veulent bâtir aussitôt que le canal d’égout sera complété[32]. »
Comme si ce n’était pas suffisant, la récession, qui frappe l’économie nord-américaine, atteint son sommet cette année-là : c’est « la panique de 1893[33] ». Le marché immobilier s’est effondré dès 1892 dans la capitale ontarienne, entraînant plusieurs faillites spectaculaires, incluant probablement celles d’investisseurs qui espéraient rééditer à Montréal le succès de l’Annexe torontoise. Le Canadian Journal of Commerce écrit que plus personne n’achète à Toronto, peu importe le prix demandé, et que des banques sont au bord de la faillite, car elles ont stupidement prêté aux spéculateurs[34]. Le journal craint qu’une situation semblable ne soit en train de se produire à Montréal : « si les constructeurs ne font pas preuve de prudence, le marché va s’effondrer ici aussi, comme ça s’est produit à Toronto[35]. » Ce sera effectivement le cas : l’immobilier ne reprendra son essor à Montréal qu’en 1897.
Pour Mainwaring, c’en est trop. Début janvier 1894, il écrit une lettre amère au conseil municipal de Saint-Louis-du-Mile-End. Il affirme que lui et ses associés ont « déboursé beaucoup d’argent, non seulement pour acheter, mais pour développer ces terrains. Nos taxes ont augmenté et nous avons peu de choses à montrer pour trois années de rude travail. » Ainsi, « le service de tramway était garanti pour l’année 1893 », mais, ajoute-t-il, il ne circule toujours pas avenue du Parc et de façon sporadique sur Saint-Laurent. De plus, les résidences de l’avenue du Parc sont invendables, car l’égout n’a toujours pas été prolongé au-delà de sa résidence. Mainwaring conclut : « Il y a déjà trois ans que je suis ici et j’ai commencé avec la plus brillante perspective de faire non seulement une grande ville mais aussi des grands profits et je n’ai rencontré que des désappointements[36]. »
Même s’il termine sa lettre en souhaitant que le conseil municipal prenne les moyens pour forcer la compagnie de tramways à respecter ses engagements, Mainwaring a déjà jeté l’éponge : lui et McCuaig mettent fin à leur association au cours de ce même mois de janvier 1894[37]. Mainwaring continuera sa carrière comme agent d’immeubles ailleurs à Montréal et en banlieue, notamment à Beaconsfield, où il possède une résidence et une ferme, jusqu’à son décès, en 1905. Clarence J. McCuaig, qui était resté à Toronto, déménage alors à son tour à Montréal pour réorganiser les affaires.
La Montreal Investment & Freehold Company
Le 26 septembre 1894, une requête est déposée à l’Assemblée législative du Québec pour amalgamer la « Consolidated Land & Investment » et la « Montreal Freehold[38] ». La loi créant la nouvelle entreprise, la « Montreal Investment & Freehold Co. » est sanctionnée le 12 janvier 1895 et elle dispose d’un capital-actions initial de 250 000 $[39]. McCuaig est le gérant et l’un des administrateurs. Le changement le plus important concerne cependant les principaux actionnaires ; les spéculateurs torontois de 1891 ne font plus partie du décor. La compagnie est aux mains de certains des plus gros noms de l’élite des milieux d’affaires anglo-montréalais de la rue Saint-Jacques. Ainsi, le président, Robert Archer, est également président du Montreal Board of Trade, le vice-président, David Morrice, est l’un des barons de l’industrie canadienne du textile et membre de tous les clubs de l’élite canadienne[40] et le secrétaire-trésorier, G. W. Badgley, est issu d’une des plus grandes familles de la bourgeoisie anglophone montréalaise[41].
Ces nouveaux promoteurs tentent de relancer le projet dès l’été 1894. Le 14 juin, la Consolidated Land & Investment prête 10 000 $ au village pour prolonger l’égout de l’avenue du Parc depuis la résidence Mainwaring jusqu’à la rue Bernard. Le conseil municipal accepte le prêt « parce que les citoyens de cette municipalité sont pour la plupart sans travail […] et qu’il est dans l’intérêt de la municipalité de donné [sic] de l’ouvrage à ses habitants[42]. » La résolution souligne également que ces travaux permettront la construction de « bonnes résidences », avenue du Parc. En juillet, la compagnie annonce que des « résidences de première classe » vont être érigées avenue du Parc[43].
Début décembre, McCuaig et ses associés invitent les journalistes à visiter les nouvelles demeures. Les articles, qui soulignent que les investisseurs de Toronto ont été remplacés par des Montréalais, ne tarissent pas d’éloges sur la qualité de ces « magnifiques résidences » : elles sont non seulement dotées « de tout le confort moderne », mais possèdent de superbes foyers, des halls spacieux et des escaliers « d’une grande élégance, décorés avec le meilleur goût. » Le tout, situé « sur un site splendide à proximité du mont Royal. » La Montreal Investment & Freehold a construit ces maisons, concluent les journalistes, parce qu’elle est convaincue que Montréal a besoin d’une autre banlieue qui soit l’égale de Côte-Saint-Antoine, la future Westmount[44].
L’été suivant, le samedi 4 août 1895, la compagnie convie de nouveau les médias, ainsi que tous les Montréalais, à une « journée portes ouvertes », afin de montrer les progrès accomplis depuis un an. L’activité prend la forme d’un pique-nique champêtre : un goûter et des rafraichissements seront gracieusement offerts, sous un grand chapiteau érigé au milieu des chênes, dans « le magnifique bocage [petit bois] de l’avenue du Parc », le tout agrémenté par le concert d’une fanfare. Les publicités soulignent que l’éclairage électrique a été installé au printemps, que de grands arbres ont été plantés des deux côtés de l’avenue, que les plates-bandes menant aux maisons sont maintenant gazonnées, et, surtout, que la ligne de tramways électriques, maintes fois promise, est sur le point de devenir réalité[45]. La Montreal Investment & Freehold promet également de préserver le boisé de l’avenue du Parc, situé au nord de la rue Saint-Viateur du côté de la rue Hutchison, pour en faire un parc. The Gazette affirme que c’est un choix judicieux, car de magnifiques arbres et fourrés couvrent tout le terrain[46]. Les comptes rendus de la journée précisent que les lots au sud de la voie ferrée sont vendus à la condition que seules des résidences de haute qualité y soient construites et que les « tenements » sont toujours interdits[47]. La volonté de concurrencer Westmount demeure présente :
Il y a quelques années à peine, là où on ne voyait que les fermes des successions Nowlan et Bagg, on trouve aujourd’hui de larges et splendides avenues avec de jolies résidences dans le goût moderne. […] La cité s’est enrichie d’un nouveau faubourg qui déjà rivalise avec le populaire faubourg de la Côte-Saint-Antoine.
Il devient évident que les Montréalais désireux d’avoir autour de leur maison un espace où ils puissent respirer et jouir des agréments de la campagne tout en profitant des bienfaits de la ville seront attirés vers ce charmant faubourg. […] L’Avenue du Parc est réellement un des plus beaux boulevards de la Cité et quand les travaux en cours seront terminés, elle deviendra la promenade favorite des équipages.[48]
La réalité est cependant moins rose. La compagnie de tramways des Beaubien, la MP&IR, créée pour favoriser l’urbanisation de la « campagne de Montréal », peine à faire ses frais. Le prolongement de la ligne de l’avenue du Parc jusqu’à la voie ferrée du CP est enfin terminé, début 1896, mais les tramways n’y circulent que de façon épisodique, ce qui « cause de forts désagréments aux résidents de l’Annexe[49] », se plaint en février le conseil municipal de Ville Saint-Louis, la nouvelle dénomination de Saint-Louis-du-Mile-End depuis à peine deux mois. D’autres lettres semblables sont envoyées par Ville Saint-Louis à la MP&IR, le 4 mars (elle fait état d’une pétition demandant l’annulation du contrat) et le 8 avril[50]. Finalement, le 3 juillet 1896, le conseil municipal autorise l’envoi d’une mise en demeure à la compagnie :
Attendu que la Cie du parc et de l’ile a obtenu une franchise pour établir un réseau de tramway électrique dans cette municipalité ; attendu que la Cie refuse de remplir ses obligations ; à savoir qu’elle ne vend pas ses billets au prix prévu ; qu’elle ne donne pas le service promis sur l’avenue du Parc ; qu’elle n’entretient pas la voie ferrée à ses frais ; qu’elle ne donne pas de billet de transfert, il est résolu que le maire soit autoriser à protester dans les 8 jours contre la dite Cie et que si la Cie ne répond pas au protêt, le conseil utilise tous les moyens légaux pour résilier le dit contrat[51].
Les tribunaux n’auront cependant pas à trancher. La MP&IR, qui n’a jamais atteint le seuil de rentabilité, subit un autre coup dur pendant l’été 1896. Dans la nuit du 30 juillet, un incendie dévaste ses ateliers (il emportera également les bâtiments de l’Exposition provinciale). Tout le matériel roulant est détruit et la compagnie ne peut continuer ses activités qu’en louant des voitures à la MSR. Acculée au pied du mur, la MP&IR déclare faillite en 1898, alors que les procédures de Ville Saint-Louis sont en cours. La MSR prend le contrôle de son ancienne rivale, qu’elle transforme en filiale, avant de l’absorber complètement en 1911[52].
L’Annexe prend son envol
L’activité économique reprend cependant son essor à Montréal, à partir de 1897. Elle entraine un boom immobilier sans précédent qui ne s’essouffle qu’avec la récession de 1913 et le début de la Première Guerre mondiale[53]. Ville Saint-Louis entre alors dans une phase de croissance accélérée ; elle perd définitivement son caractère rural et devient pleinement une banlieue montréalaise. Un observateur contemporain remarque, dans un guide touristique, la transformation en cours et le contraste entre les parties est et ouest du Mile End : « St-Louis du Mile End [est] la continuation de St-Jean-Baptiste[54] sur la grande artère nord [c’est-à-dire Saint-Laurent]. » Par contre : « Montréal-Annexe […] de création récente [est habité] par des employés qui viennent à Montréal le matin et s’en retournent le soir. Ils occupent de petits cottages qui commencent à se grouper et à faire nombre[55]. »
La transition entre les fonctions rurales et suburbaines de l’ouest du Mile End entraine toutefois certains inconvénients, comme en témoigne cette pétition des résidents de l’Annexe, en 1899 :
Si nous voulons attirer dans notre ville la classe qui fuit la grande ville de Montréal à cause des nombreux inconvénients qui concourent à en rendre le séjour désagréable, nous devons par tous les moyens en notre pouvoir, tâcher de rendre à ces futurs citoyens le séjour dans notre ville aussi attractif que possible.
Rien de plus attrayant pendant l’été que la vue de pelouses et de fleurs bien vertes et bien entretenues en face des résidences des citoyens et des carrés publics ?
Malheureusement avec l’état de choses actuel, il est tout-à-fait impossible de garder des fleurs et encore moins de la verdure devant nos maisons à cause des nombreux troupeaux de vaches et de chevaux qui errent à l’aventure l’été sur les lots vacants durant le jour et la nuit. N’y aurait-il pas moyen que votre conseil nous viendrait en aide pour mettre fin à cet état de choses ?[56]
C’est surtout une communauté anglo-protestante, composée de jeunes ménages de classe moyenne, qui s’enracine dans l’Annexe et y tisse son réseau institutionnel. Quelques édifices du quartier, toujours présents, en témoignent. Mentionnons, avenue Fairmount, la Fairmount Model School, une école élémentaire protestante, qui ouvre ses portes, au coin d’Esplanade, en 1895 ; à l’intersection de Jeanne-Mance, le premier édifice du YMCA, érigé en 1909, et, un peu plus à l’ouest, au coin de la rue Hutchison, la Fairmount Methodist Church, construite en 1907. La paroisse anglicane de l’Ascension bâtit son église avenue du Parc, juste au sud de Saint-Viateur, en 1904-1905.
Parallèlement, l’avenue du Parc devient, au début du XXe siècle, une adresse de choix pour les notables, comme l’avaient espéré les premiers promoteurs de l’Annexe. Le quartier situé à l’ouest de la rue Clark abrite un groupe social nettement plus prospère que celui qui vit à l’est de la rue Saint-Laurent. Dans son mémoire de maîtrise sur l’urbanisation du Mile End, Guy Mongrain note d’ailleurs, qu’il n’est pas rare, en 1901, « d’y rencontrer des chefs de familles dont le revenu annuel dépasse allègrement mille dollars[57]. » Il ajoute que si on y retrouve surtout des ménages d’origine britannique, c’est en raison de leur situation dominante dans l’économie montréalaise : « cette section de la ville est ouverte à tous, pourvu qu’on en ait les moyens[58]. »
Un quartier hétérogène
Il n’en reste pas moins que, vingt ans après le lancement de l’Annexe, la majorité des lots situés le long de l’avenue du Parc sont toujours vacants. L’atlas Pinsonneault, publié en 1907, indique qu’entre Fairmount et Saint-Viateur – le cœur de l’Annexe – seulement 18 résidences ont été construites sur les 51 lots disponibles[59]. La situation est semblable dans plusieurs rues adjacentes. Si l’agent d’immeubles Georges Marcil, qui possède plusieurs lots à vendre dans l’Annexe, proclame encore, en 1899, qu’elle est « le Westmount canadien [et] la localité favorite de l’élite canadienne-française[60] », les publicités de la Montreal Investment & Freehold, elles, changent de ton. Ce qui domine maintenant, c’est la possibilité d’accéder à la propriété pour le même prix qu’un loyer, grâce à la vente à tempérament. La clientèle visée est celle des locataires : « L’Annexe de Montréal est la banlieue pour les jeunes gens, parce qu’ils peuvent acheter une résidence moderne par paiements mensuels, comme le loyer. Pas d’argent comptant[61]. » Les publicités dans les journaux francophones, auparavant beaucoup moins nombreuses que dans la presse anglophone, deviennent plus fréquentes.
En visant une nouvelle clientèle moins fortunée, on ouvre ainsi la porte aux entrepreneurs spécialisés dans la construction de duplex et de triplex[62] : c’est l’une des formes importantes d’accession à la propriété à Montréal à cette époque. La famille acheteuse occupe le rez-de-chaussée et tire un revenu de la location des logements situés aux étages supérieurs. Cette situation entraine, à partir de 1905, une série de controverses sur les règlements encadrant la construction résidentielle dans l’Annexe. Cette année-là, le conseil municipal est mis devant un fait accompli lorsqu’un promoteur construit une série de triplex, aux longs escaliers extérieurs, avenue du Parc, au sud de Fairmount. Les propriétaires des résidences adjacentes se mobilisent pour empêcher la construction de d’autres immeubles semblables, assimilés aux exécrables « tenements ». Ils obtiennent un amendement au règlement de zonage interdisant les escaliers extérieurs de plus de huit marches. Les entrepreneurs ripostent et demandent, d’abord en vain, qu’ils soient autorisés[63]. L’année suivante, c’est au tour de la Montreal Investment & Freehold de soumettre une requête pour obtenir l’assouplissement du règlement de zonage sur l’avenue du Parc[64].
Le conseil municipal fait volte-face à plusieurs reprises, au gré des pétitions et contre-pétitions : par exemple, en mai 1907, il permet la construction d’escaliers extérieurs de 14 marches avenue du Parc, excepté entre Saint-Joseph et Bernard. Le journal La Patrie déplore que les élus changent ainsi leur fusil d’épaule, deux ans seulement après les avoir interdits : « [Cela] dénote un état de choses susceptible de nuire sérieusement à la ville, [d’autant plus que] la restriction première est elle-même venue trop tard, lorsque venait d’être construit, sur l’avenue du Parc à côté de la rue Fairmount, un énorme pâté de maisons avec sur la façade trois ou quatre grands escaliers qui dépareront à jamais [cette] section de la rue[65]. »
Si les promoteurs de l’Annexe se résignent finalement à la construction des duplex et des triplex, au cours des années 1900, c’est parce que la demande pour des maisons unifamiliales est insuffisante pour vendre tous les lots. D’autant plus que les Montréalais sont sollicités par une foule de projets immobiliers entre 1900 et 1913, une période marquée par une forte fièvre spéculative. Dans le cas du Mile End, la plupart de ces nouveaux projets visent d’abord à répondre à la forte demande pour des logements locatifs destinés aux classes populaires. Cette situation tient au fait que Montréal est une ville de locataires, nettement plus que Toronto. En 1881, la proportion est de 85 % à Montréal contre 66 % à Toronto[66].
Toute cette période est le théâtre d’une lutte entre ceux qui veulent maintenir le caractère exclusif de l’ouest du Mile End et ceux, surtout des commerçants et entrepreneurs locaux, qui veulent profiter au maximum d’une urbanisation rapide.
Joseph Perrault, l’un des dirigeants de la Ligue des citoyens de Ville Saint-Louis, est représentatif du premier camp. Il est un descendant de la famille Perrault, les anciens grands propriétaires du secteur. Même s’il a conçu la plupart des bâtiments industriels situés dans la partie est du Mile End – par exemple la manufacture de vêtements Peck, la fabrique de pianos Craig, l’usine de peinture Brandram Henderson et la Phillips Electrical Works –, Perrault tient aussi à ce que les zones résidentielles et les lieux de travail et de loisir soient clairement séparés dans l’espace urbain. Il s’est d’ailleurs construit, en 1904, une splendide résidence avenue du Parc, presqu’en face de celle de Mainwaring. La Ligue des citoyens lutte donc pour maintenir le caractère exclusivement résidentiel de l’ouest du Mile End, ou encore pour interdire les débits d’alcool à proximité du mont Royal[67]. Puisque la plupart de ses membres travaillent au centre-ville, la Ligue est peu intéressée par le développement local et se soucie surtout des dépenses, jugées extravagantes, de la municipalité.
Les petits commerçants et les entrepreneurs qui contrôlent le conseil municipal se préoccupent plutôt du sort des « lots à bâtir », dont ils sont souvent les propriétaires et qu’ils souhaitent revendre à profit. De plus, leur base électorale est majoritairement composée des ouvriers et des petits employés canadiens-français qui vivent à l’est du boulevard Saint-Laurent et au nord de la voie ferrée. Le patronage, grâce aux emplois générés par les importants travaux d’infrastructures d’une nouvelle banlieue, est un outil important pour obtenir leur appui. Pour toutes ces raisons, Ville Saint-Louis n’impose pas un zonage aussi contraignant que les banlieues rivales d’Outremont et de Westmount. Dès 1904, la vocation strictement résidentielle de l’Annexe est mise à mal par l’installation d’une buanderie industrielle, « Queen’s Jubilee Laundry », au coin des rues Saint-Urbain et Laurier. Les propriétaires des rues environnantes dénoncent « le fait que cette buanderie est dans un milieu où il n’y a que des résidences privées, dans un des plus beaux quartiers de la ville, et que les propriétaires des alentours après avoir investi plusieurs milliers de piastres dans ce quartier voient avec peine leurs propriétés diminuées[68]. »
Un parc pour les enfants de l’Annexe
La création d’un parc est un autre exemple des tensions qui divisent Ville Saint-Louis. On l’a vu, les promoteurs de l’Annexe avaient promis de préserver le « splendide bocage », situé à la hauteur de la rue Saint-Viateur, pour en faire un parc, mais ce terrain est sacrifié au lotissement vers le milieu des années 1900. Les résidents de l’Annexe ne renoncent pas pour autant à leur parc. Ils multiplient les pétitions, entre 1906 et 1908, pour que Ville Saint-Louis acquière le « terrain des sœurs de l’Hôtel-Dieu », compris entre les avenues Fairmount, Laurier, Parc et Esplanade. Le quadrilatère est qualifié d’idéal pour la création d’un parc « tant sous le rapport de la beauté et de l’embellissement de la ville que sous le rapport de la santé des contribuables et de la valeur de la propriété[69]. » Une autre pétition mentionne « avoir appris de bonne source » que la municipalité peut acquérir le terrain à prix d’aubaine et que, si elle ne le fait pas, il sera rapidement subdivisé en lots à bâtir. Le Montreal Daily Herald appuie les citoyens : « l’absence d’un parc a dissuadé de nombreuses personnalités de venir s’établir dans l’Annexe. Les enfants en souffrent le plus, car ils sont obligés de se rendre à la montagne, ou même à Fletcher’s Field, lorsqu’ils veulent jouer ; c’est beaucoup trop éloigné[70]. » Le journal revient à la charge la semaine suivante :
Un fort mouvement est organisé par les contribuables, en fait par tous les résidents de l’Annexe, pour acheter un terrain situé au sud de Fairmount et à l’est de l’avenue du Parc afin de le convertir en parc public, pour l’usage des enfants et l’embellissement de la ville. Il est admirablement situé, pourrait être acheté et aménagé à coût modique et améliorerait considérablement la valeur des propriétés environnantes[71].
Le conseil fait cependant la sourde oreille. Pourtant, lorsque, l’année suivante, les paroissiens de Saint-Jean-de-la-Croix demandent à leur tour que la ville achète des terrains pour la création d’un parc, cette fois le conseil accepte[72]. Il faut dire que les terrains en question appartiennent à l’échevin Joseph Martel, un allié du maire Turcot, lui-même un entrepreneur actif dans la construction, et qu’on se retrouve là au cœur de leur bastion politique du nord… Situé à l’angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Saint-Zotique, c’est aujourd’hui le parc de la Petite-Italie.
Les mutations de l’Annexe
Après l’annexion de Ville Saint-Louis par Montréal, le 1er janvier 1910, les propriétaires des résidences cossues de l’avenue du Parc mènent un combat d’arrière-garde pour préserver le caractère exclusivement résidentiel de leur artère. Montréal tente une première fois de modifier le zonage, le 16 octobre 1912, pour permettre l’utilisation de l’avenue à des fins commerciales[73]. Les opposants parviennent cependant à faire annuler ce changement à deux reprises, lors de l’étude annuelle de la Charte de Montréal par l’Assemblée législative[74]. Leur avocat fait valoir en 1913 que les contrats de vente de ses clients incluent une clause garantissant le caractère résidentiel de l’avenue. Les propriétaires opposés au changement reçoivent aussi l’appui de la Ville d’Outremont, qui envoie une délégation à Québec pour réclamer le maintien de l’interdiction des commerces sur l’avenue[75]. Les échevins montréalais rétorquent que la majorité des propriétaires souhaitent ce changement et que la construction est paralysée, avenue du Parc, en raison de cette clause. De toute façon, ajoute l’un d’eux, « l’avenue du Parc est devenue inhabitable, à cause du bruit causé par les tramways et le volumineux trafic. De fait, c’est déjà une rue commerciale. On y trouve des banques, des pharmacies, des bureaux, des marchands de fruits, etc.[76] »
La page est finalement tournée le 25 mars 1914 lorsque la Ville de Montréal fait approuver le règlement permettant « la construction de magasins et l’établissement de places d’affaires sur l’avenue du Parc, entre l’avenue Mont-Royal et la rue Bernard[77]. » Le journal La Presse se réjouit de « cette solution longtemps attendue » :
Les entrepreneurs ne voulaient plus y construire de résidences tandis que l’on refusait les permis pour les édifices de commerce. […] Plusieurs entrepreneurs viennent de signer des contrats importants et l’on s’attend à une recrudescence d’activité dans le monde de la construction. L’avenue du Parc est devenue l’une des plus importantes artères de la ville et le trafic des piétons et des tramways est devenu si considérable que c’est maintenant l’un des principaux débouchés entre l’extrême nord et le centre de la métropole[78].
Joseph Perrault, l’un des plus ardents défenseurs du caractère exclusif de l’avenue, s’était déjà adapté à son changement de vocation. Il a construit en 1910 un immeuble à appartements dans les jardins adjacents à sa villa ; cette dernière sera à son tour subdivisée en appartements en 1924. L’ensemble forme aujourd’hui la coopérative d’habitation Le Châtelet, l’un des témoins les mieux préservés de l’époque des rêves de grandeur de l’avenue du Parc[79]. Plusieurs autres immeubles à appartement seront d’ailleurs érigés le long de l’avenue pendant la même période : les appartements Valmont, au sud de la rue Saint-Viateur en constituent un bon exemple. Les édifices commerciaux et les triplex combleront rapidement les autres lots vacants. Pour ce qui est des luxueuses résidences construites lors de la période précédente, on aménagera souvent des magasins au rez-de-chaussée, tandis que les étages supérieurs seront transformés en appartements. Quant à la villa pionnière de Rienzi Athel Mainwaring, elle devient une maison de chambres en 1925, avant d’être emportée par un incendie criminel en 1973.
La vocation exclusive de l’avenue du Parc a également été mise à mal par la concurrence du boulevard Saint-Joseph, terminé dans sa portion Mile End (à l’ouest de la rue Drolet) en 1905. Les élus de Ville Saint-Louis veulent en faire une autre artère résidentielle réservée aux classes aisées. Les longs escaliers extérieurs et les triplex y sont autorisés, sauf qu’ils abritent de grands appartements bien plus cossus que les logements ouvriers. Montréal maintient aussi l’interdiction des fonctions commerciales sur cette rue après l’annexion : le boulevard Saint-Joseph devient ainsi une adresse de choix pour de nombreux notables jusqu’aux années 1950.
La fin de l’Annexe tient aussi pour beaucoup au développement d’Outremont, où l’urbanisation prend son essor à partir de la décennie 1910. La famille Beaubien possède, depuis les années 1840, d’importants terrains tant au Mile End qu’à Outremont. Au Mile End, ils sont situés à l’est de la rue Saint-Laurent ; les Beaubien y privilégient le développement d’un quartier ouvrier, centré sur la gare et les industries environnantes. Les lots de l’Annexe, du côté ouest de Saint-Laurent, appartiennent à d’autres promoteurs : la création d’une banlieue exclusive n’intéresse pas les Beaubien, car elle concurrence leurs propres projets du côté d’Outremont. D’autant plus que, contrairement à Ville Saint-Louis, les Beaubien y contrôlent à la fois le développement immobilier et la vie politique locale[80].
Joseph Beaubien, fils de Louis et petit-fils de Pierre, est l’échevin du quartier sud, le plus prospère, depuis 1902. Élu maire en 1910, il dirigera d’une main de fer le développement de sa ville pendant 40 ans et imposera un zonage très strict. Les escaliers extérieurs sont bannis du sud et de l’ouest d’Outremont en 1910, au moment même où Montréal les permet finalement sur l’avenue du Parc. Outremont imite aussi Westmount en multipliant les espaces verts au cœur de ses quartiers résidentiels. De plus, le zonage confine les industries et les immeubles appartements à des secteurs bien précis[81]. Lorsque la construction résidentielle reprend, après l’interlude causé par la récession et la guerre, Outremont exerce une force d’attraction irrésistible, autant pour la bourgeoisie canadienne-française qui résidait auparavant sur les rues Cherrier, Saint-Denis ou Saint-Hubert, que pour de nombreux résidents de l’Annexe. Tout au long de la décennie 1920, la communauté anglo-protestante qui y avait élu domicile, déménage à Outremont ou dans d’autres nouvelles banlieues, comme Notre-Dame-de-Grâce.
Une nouvelle classe moyenne en pleine ascension sociale, issue des immigrants juifs venus nombreux d’Europe de l’Est depuis la fin du XIXe siècle, prend la place des Anglo-protestants de l’Annexe. L’œuvre de Mordecai Richler témoigne de cette période. La partie de l’Annexe située au nord de la rue Saint-Viateur se développe surtout après 1910 : elle est dominée par les duplex et les triplex. Ceux-ci accueillent une population d’ouvriers qualifiés et de cols blancs, majoritairement canadiens-français et catholiques irlandais : leur attachement au quartier s’exprimera à travers le réseau sociocommunautaire lié à leurs paroisses respectives, Saint-Georges et St. Michael.
La création d’une nouvelle ceinture de banlieues adaptées à l’automobile, après la Seconde Guerre mondiale, entraine une nouvelle migration des classes moyennes du Mile End. La communauté juive se déplace vers l’ouest – Snowdon, Côte-Saint-Luc, Hampstead –, tandis que les Canadiens-français et les Irlandais migrent vers Ahuntsic, Rosemont ou encore Laval. De nouvelles vagues d’immigrants, Italiens, Grecs, Juifs hassidiques et Portugais surtout, vont s’installer dans les rues de l’ancienne Annexe. Pour accueillir cette population démunie, les cottages seront souvent convertis en appartements ou en maisons de chambre, effaçant un peu plus les traces des origines du quartier. Le retour du balancier s’amorcera à partir de la décennie 1980, dans le contexte de la revalorisation des quartiers centraux montréalais qu’on croyait auparavant voués à la démolition.
Ce texte est une version revue et corrigée d’un extrait de l’Histoire du Mile End, par Yves Desjardins, Éditions du Septentrion, 2017. Avec l’aimable permission de l’éditeur.
Notes
[1] « Perte de Toronto – gain de Montréal », La Presse, 2 décembre 1890, p. 16.
[2] « Revue immobilière », Le Prix courant, vol. 6, no 15, 13 juin 1890, p. 11.
[3] Antoine Bernard, Les Clercs de Saint-Viateur au Canada. Le premier demi-siècle, 1847 à 1897, Les Clercs de Saint-Viateur, Montréal, 1947, p. 585 ; Robert Rumilly, Histoire d’Outremont, Leméac, Montréal, 1975, p. 52-53.
[4] « Revue immobilière », Le Prix courant, vol. 6, no 15, 13 juin 1890, p. 11.
[5] « Revue immobilière », Le Prix courant, vol. 6, no 21, 27 juillet 1890, p. 7 et 10.
[6] « Montreal Annex », Toronto Daily Mail, 2 août 1890, p. 3.
[7] (Ma traduction). Ibid.
[8] (Ma traduction.) « Montreal Annex », Montreal Herald, 6 décembre 1890, p. 12.
[9] Pétition au conseil municipal de Saint-Louis-du-Mile-End, 29 mars 1890. Archives de la Ville de Montréal, Fonds Ville de Saint-Louis, Correspondance reçue, voirie, P28/B2,29. Dorénavant : AVM/FVSL.
[10] AVM, FVSL, Correspondance reçue, 22 novembre 1889, P28/B2, 1. Le souligné est dans l’original.
[11] Ludger Beauregard, « Outre mont Royal, 1694-1875 », Histoire Québec, vol. 8, no 2, 2002, p. 11. Il cite l’Aveu et dénombrement des Sulpiciens, alors les seigneurs de l’île de Montréal.
[12] Anonyme (« par une religieuse de son institut »), Notes sur la vie de Mère Gamelin, fondatrice et première supérieure des Sœurs de la charité de la Providence, E. Sénécal, Montréal, 1901, p. 12. Voir également Marguerite Jean, « Émilie Tavernier », Dictionnaire biographique du Canada : http://www.biographi.ca/fr/bio/tavernier_emilie_8F.html.
[13] L.W. Sicotte, Livre de renvoi officiel de la paroisse de Montréal, Montréal, Presses de la Minerve, 1872, p. 142.
[14] Succession Nowlan plan figuratif, H. M. Perrault, novembre 1873, BAnQ, CA601,S53, SS1, P221.
[15] « Montreal Annex/Newsome & Brownscombe Lith. Toronto », vers fin 1890-début 1891. L’article cité est inséré sous forme de cartouche dans la lithogravure : From Montreal Star (s.d.), BAnQ, P318, S4, P14.
[16] (Ma traduction). McCuaig & Mainwaring Real Estate Record, vol. 1, no 1, Toronto, février 1891.
[17] Adam Mayers, « Daring developper built the Annex », Toronto Star, 10 septembre 2007. En ligne : A daring developer built the Annex.
[18] (Ma traduction). « Montreal Annex », Montreal Daily Witness, 10 janvier 1891, p. 8.
[19] (Ma traduction). « Montreal Annex », The Gazette, 2 mai 1891, p. 12.
[20] « L’Annexe de Montréal », Le Progrès municipal, vol. 1, no 1, 29 janvier 1891, p. 4.
[21] (Les majuscules sont dans l’annonce. Ma traduction). « Montreal Annex », Canadian Journal of Commerce, vol. 32, no 3, 3 avril 1891, p. 3. La même annonce pleine page est publiée par The Gazette, le 4 avril 1891, p. 5.
[22] Sessional Papers, no 16, 55 Victoria, 1892.
[23] (Ma traduction). « Montreal Real Estate », Canadian Journal of Commerce, 19 juin 1891, p. 1188.
[24] « Montreal Street Railway Co. Annual Meeting », Ottawa Citizen, 5 novembre 1891, p. 3.
[25] Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 1992, p. 126-127 ; STM, Quelques notes historiques sur la Street Railways Company, Archives de la Société des Transports de Montréal, s.d.
[26] Archives de la STM, Montreal Park and Island Railway Company, Livre des minutes, 13 juillet 1893, S2/2, 1888-1906.
[27] Gazette Officielle du Québec, 5 décembre 1891, p. 2662-2663.
[28] Amelia Josephine Bagg Mulholland, Grand livre 1891-1927, Musée McCord, Fonds Bagg, P070/B07 ; Le Prix courant, vol. 9, no 14, 4 décembre 1891, p. 14.
[29] « Mr. Mainwaring’s House », Montreal Daily Herald, 15 décembre 1892, p. 11.
[30] « Montreal Annex », Montreal Daily Herald, 15 décembre 1892, p. 11.
[31] (Ma traduction). AVM, FVSL, Correspondance de l’ingénieur, P28/F3,1.
[32] AVM, FVSL, Correspondance de l’ingénieur, P28/F3,1, 2 septembre 1893.
[33] Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec, Fides, 1971, p. 96-97.
[34] (Ma traduction). « Toronto Real Estate Speculators », The Canadian Journal of Commerce, vol. 35, no 1, 7 juillet 1892, p. 17.
[35] « City Real Estate Sales in June », The Canadian Journal of Commerce, vol. 35, no 3, 15 juillet 1892, p. 101.
[36] AVM, AVSL, Correspondance et requêtes, P28/B2,19, 4 janvier 1894. À souligner que, cette fois, la lettre est écrite en français.
[37] « Re-organizing the Staff. R.A. Mainwaring Ready for this Season’s Real Estate Business », Montreal Daily Herald, 23 avril 1894
[38] « Demandes à la législature », Gazette Officielle du Québec, vol. XXVI, no 39, 29 septembre 1894, p. 2158.
[39] Loi concernant la Consolidated Land and Investment Company Limited, et la Montreal Freehold Company, et constituant en corporation la Montreal Investment and Freehold Company. 58 Victoria, chapitre 75, 12 janvier 1895.
[40] À son sujet, Paul-André Linteau, Histoire de Montréal, op. cit., p. 56-57.
[41] Atherton, Montreal, 1535-1914, op. cit., p. 20-21. Son père, William, fut l’un des principaux dirigeants tory du Bas-Canada au milieu du XIXe siècle.
[42] AVM, FVSL, Procès-verbaux des assemblées privées du conseil, P28/A2, P002, 14 juin 1894.
[43] « This Cut Shows the Class of Houses Being Erected on Montreal Annex », Montreal Herald, 21 juillet 1894.
[44] « Montreal Annex », The Gazette, 3 décembre 1894, p. 5 ; « Montreal Annex », The Montreal Daily Herald, 3 décembre 1894, p. 4.
[45] « Un joli boulevard », La Presse, 21 mars 1895, p. 11 ; « La compagnie du parc et de l’île pousse activement ses travaux », La Presse, 3 juin 189, p. 7 ; « Grand pique-nique, Annexe de Montréal », La Presse, 22 juillet 1895, p. 3 ; « Montreal Annex, Montreal’s Most Beautiful Suburb », Montreal Daily Herald, 3 août 1895, p. 3.
[46] « Real Estate », The Gazette, 19 juin 1895, p. 5.
[47] « Montreal Annex. A Big Celebration on Saturday Afternoon », Montreal Daily Herald, 5 août 1895, p. 2.
[48] « Montréal Annexe », Le prix courant, 9 août 1895, p. 833.
[49] AVM, FVSL, Correspondance du maire, P28/B1,1, 17 février 1896.
[50] Ibid., 4 mars et 8 avril 1896. Le village de Saint-Louis-du-Mile-End est devenu ville en 1895 et a changé de nom. Côte-Saint-Antoine devient Westmount cette même année.
[51] AVM, FVSL, Correspondance du maire, P28/B1,1, 4 octobre 1896.
[52] STM, Archives de la Société de transport de Montréal, « Quelques notes historiques sur la Montreal Park and Island Railway Company, » s.d.
[53] Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, op. cit., p. 191-193. Également, Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec 1851-1896, op. cit., p. 95-98.
[54] L’ancien village de Saint-Jean-Baptiste était situé au sud du Mile End, entre l’avenue Mont-Royal et les environs de l’avenue Duluth. Il est devenu un quartier montréalais en 1886.
[55] A. Leblond de Brumath, Guide de Montréal et de ses environs, Granger Frères, 1897, p. 81.
[56] AVM, FVSL, Pétitions, Correspondance du maire, P28/B1,2, 2 mai 1899.
[57] Guy Mongrain, Population et territoire dans un contexte de croissance urbaine : Saint-Louis-du-Mile-End, 1881-1909. Mémoire de maîtrise, histoire, UQAM, 1998, p. 87-88.
[58] Ibid., p. 94.
[59] A. R. Pinsonneault, Atlas of the Island and City of Montreal and Ile Bizard…, 1907, planche 16, BAnQ G1144/M65G475/P5/1907 CAR.
[60] « Le Westmount canadien », La Presse, 9 septembre 1899.
[61] « On se hâte de construire », La Presse, 2 août 1898.
[62] Alors qualifiés de « flats » ou plain-pied. Le terme triplex n’existe pas encore dans l’usage.
[63] « Au conseil du Mile-End », La Presse, 14 novembre 1905, p. 8.
[64] AVM, FVSL, Procès-verbaux du conseil, 12 juin 1906.
[65] « Règlements de construction », La Patrie, 10 mai 1907, p. 5.
[66] Paul-André Linteau, Histoire de Montréal, op. cit., p. 100.
[67] « Séance orageuse. L’octroi des licences à Saint-Louis du Mile End », La Patrie, 2 mai 1902, p. 1.
[68] AVM, FVSL, « Pétition au maire et aux échevins de la Ville de St. Louis », Correspondance du maire, 1904, P28/B1, 2.
[69] Quatre pétitions distinctes, mais dont le contenu est semblable, trois en français et une en anglais, sont versées au dossier. AVM, FVSL, Requêtes, 1908, P28/B2, 20.
[70] (Ma traduction). « New Park Proposal Crops Up Again », Montreal Daily Herald, 4 juillet 1908, p. 15.
[71] (Ma traduction). « Feeling High in St. Louis », Montreal Daily Herald, 11 juillet 1908, p. 13.
[72] AVM, FVSL, « Pétition des résidents de la paroisse Saint-Jean de la Croix », Requêtes, 15 juillet 1909, P28/B2,20.
[73] « City and District », The Gazette, 17 octobre 1912, p. 3 ; « Conseil de ville », Le Canada, 17 octobre 1912, p. 5.
[74] « Montreal Bill Over First Stage », The Gazette, 19 décembre 1912, p. 5.
[75] « Au conseil d’Outremont. Le conseil s’oppose à ce que l’avenue du Parc devienne une artère commerciale », Le Canada, 4 décembre 1913, p. 8.
[76] « Le bill de Montréal, » Le Canada, 13 décembre 1913, p. 13.
[77] Archives de la Ville de Montréal, Règlements municipaux, règlement no 526, 25 mars 1914, VM001_33_PO526.
[78] « Dans le monde de l’immeuble », La Presse, 30 mars 1914, p. 17.
[79] Jean-Julien, également architecte, jouera un rôle important dans le développement d’Outremont. Après avoir épousé la fille de Joseph Beaubien, sa firme, Gadbois-Perrault, concevra de nombreux édifices commerciaux, institutionnels et résidentiels de la ville.
[80] À Ville Saint-Louis, les politiciens populistes, majoritaires au conseil, accusent leurs adversaires d’être au service de « la clique Beaubien-Perrault. »
[81] À ce sujet : Michèle Dagenais, Faire et fuir la ville. Espaces publics de culture et de loisir à Montréal et Toronto au XIXe et XXe siècles, Presses de l’Université Laval, 2006 ; Robert Rumilly, Histoire d’Outremont 1875-1975, op. cit., p. 118-120 et Walter Van Nus, « Une communauté de communautés », dans Montréal métropole, 1880-1930, Boréal et Centre canadien d’architecture, 1998, p. 68-72.